Tchad : Succès Masra sur les traces de Hissein Habré ? –Espace Culture Tchad

Entre Succès Masra et le régime en place, c’est une histoire de « je ne t’aime pas moi non plus ». Un baiser de Lamourette, dira-ton. Tantôt dans les coulisses, s’échangent des propos lénifiants, tantôt par la voix des ondes,  sont lancés des propos incendiaires. Mais somme toute, les faiseurs des rois chez nous ne lésinent pas sur les moyens pour faire infléchir les positions de l’un ou de l’autre. Nous l’avons vu, à l’approche des assises du Dialogue National Inclusif et souverain, comment ont été concédées une débauche d’énergie et de stratégies jamais égalées pour concilier les irréductibles antagonismes. L’intéressé a avoué avoir eu huit rencontres avec l’héritier du trône sans que ne soit trouvée une piste d’entente. Ce qui ne surprend pas ceux qui connaissent le fonds politique du Tchad, surtout que ce pays, à cheval sur le sahel et le pays bantou, il faut le dire, n‘est pas à sa première expérience d’hommes aux positions tranchées. Sauf que cette fois-ci, les fauteuils ont changé d’occupants.

Lorsque nous sommes arrivés à l’implosion du Tchad en 1979, il y avait à la présidence de la République, un sudiste, Général et ancien de l’armée française mais  avec des méthodes que l’épreuve de terrain et le séjour carcéral ont affuté. Il accueille un jeune moulu dans les institutions françaises de formation d’administrateurs et de sciences politiques. Maoïstes dans l’âme, Hussein Habré a animé une aile active de la rébellion du Frolinat qu’il a rejoint, après qu’une mission lui a été confiée par Tombalbaye de ramener au bercail, le Derdeï, chef traditionnel Toubou.  Sa mise en minorité par ses compagnons d’arme l’ont obligé de mener sa lutte de l’intérieur. Se sachant très bien écouté parce qu’il avait les mots justes, un accord signé à Khartoum lui a permis de rentrer. Idéaliste et intransigeant, devenu Premier Ministre, il ne concédait rien au point où l’irréparable est arrivé un 12 février 1979.

S’il arrivait que Succès Masra rentre aujourd’hui, nous aurons à peu près une situation pareille. A la tête de l’Etat, un jeune Général des plus haut placés, nordiste, installé en remplacement de son père après des campagnes au Mali et contre les Fact au moment fatidique du décès de son géniteur. Face à lui, une kyrielle de partis politiques plus ou moins sérieux avec qui il compose. Mais le renouvellement de la classe politique venant à son heure, le jeune loup, sudiste et moulu dans les meilleures institutions d’économie, se fait valoir.

Avec des méthodes à peu près similaires, Hussein Habré et Succès Masra qu’on peut facilement rapprocher, ont tous les deux affiché très tôt, leurs ambitions pour le pouvoir, jouant sur le populisme. Le premier, tournant littéralement le dos aux sudistes assez réceptifs à son discours, s’est taillé une peau de « mahadi ». Les musulmans ont alors trouvé un guide et les mosquées de N’Djamena ont servi de tribune au djihadisme. Par une grève gouvernementale d’ailleurs raillée par Félix Malloum, pourtant déclenchée depuis Abéché, la capitale Tchadienne a implosé le 12 février. Par des soubresauts et des accords pour lesquels la communauté internationale a massivement contribué, quoi que les voisins y soient allés de leurs intérêts, Bob Denard par la France interposée, a installé l’édile au fauteuil en 1982.  Le second, Masra Succès, lui aussi a eu les mots justes, trouvés au moment où une dèche noire rongeait les populations des jeunes désœuvrés qui lui ont accordé une oreille attentive. Aussi intransigeant que le premier, il inquiète, surtout lorsqu’il affirmait : « M’a-t-on seulement vu venir pour être nommé ». Une position très tranchée qui ne présage pas des prédispositions au dialogue. En réécoutant ses longues tirades enjolivées de références ou paraphrasant les paroles saintes,  on s’aperçoit qu’il a endossé lui également la peau d’un nouveau messie. Visionnaire ou  illusionniste, il a tout de même réussi à envoyer des « nguérékistes » dans gueule des tueurs de la Dgsie.

Mais de Mahamat Idriss Deby et lui, il y a un trait d’union : leur ami commun les français. Tous deux macronistes, ils ont pour eux le Qatar qui s’investit pour la paix au Tchad, mais également les grandes firmes financières et bailleurs de fonds, qui ont ce pouvoir pernicieux de faire ou de défaire les régimes. Le premier, adoubé pour des raisons de diplomatie militaire, saura-t-il se départir des conseils de « Makambo » pour composer sereinement avec le second ? Celui-ci, apprécié avant exercice même des fonctions du magistère pour des compétences de serviteurs des institutions de Breton Wood, saura-t-il s’accommoder des exigences de terrain politique qui nécessité flexibilité, adaptation ? Arrivera-t-on dans les brefs délais à leur rapprochement pour une paix durable ? Espérons-le, parce Kaka, unioniste, a besoin de Succès qui n’a pas d’option fédéraliste en vue.

ACCORD DE PRINCIPE

Le 31 octobre, le gouvernement de transition du Tchad et le parti Les Transformateurs ont signé un accord de réconciliation suite aux événements du 20 octobre 2022. Cet accord de principe comprend plusieurs engagements de la part du gouvernement.

En signant cet accord avec le parti Les Transformateurs, le gouvernement de transition s’engage à faciliter le retour de Succès Masra et de sa délégation, en assurant leur sécurité juridique et physique et en garantissant le libre exercice de leurs activités politiques, conformément aux lois en vigueur. De plus, le gouvernement s’est engagé à intercéder auprès des autorités judiciaires pour la suspension du mandat d’arrêt émis contre Succès Masra et ses partisans le 8 juin 2023, dans l’espoir d’une amnistie générale au profit de toutes les parties concernées.

Un autre point significatif de l’accord est que le gouvernement prévoit d’initier une loi d’amnistie générale durant le mois de novembre 2023. Cette loi concernerait les acteurs civils et militaires impliqués dans les incidents du 20 octobre 2022. En outre, le gouvernement a affirmé son engagement à respecter les libertés fondamentales des citoyens et des partis politiques dans l’exercice de leurs activités.

Pour garantir le respect de cet accord, le facilitateur de la CEEAC (Communauté Économique des États de l’Afrique Centrale), témoin de l’accord, sera saisi en cas de manquement aux engagements par l’une des parties. Il agira en conséquence pour rappeler la partie en défaut au respect de ses obligations.

Par René Merguet

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