Baccalauréat tchadien : les drôleries d’une évaluation certificative – Espace Culture Tchad

Il y a de cela quelques jours, un satisfecit a été donné à certains membres du jury du baccalauréat, session 2023. Quelques impondérables qui ont usé leur temps, session après session, à renforcer les notes, à classer les copies et à calculer les moyennes. Un travail d’automates qu’ils sont devenus, à force de répéter les mêmes gestes à longueur des années.  A cet effet, s’il y avait des lauriers à tresser, et des honneurs à rendre, c’est à d’autres acteurs qu’il faut accorder. Cependant, le Tchad étant celui des inepties…

En effet, bon nombre d’entre nous, sommes  encore à nous demander par quel miracle nous serions arrivés à un tel score. Lorsqu’on sait que le nombre des candidats au baccalauréat  équivaut à l’effectif total des lycées, un tel résultat peut-il  expliquer la bonne santé du système éducatif. La baisse de niveau étant tributaire d’au moins six facteurs : la situation sociale de l’enseignant ; la pléthore et les ratios ; les programmes et le temps scolaire ; la pédagogie, la didactique ;  la formation initiale des enseignants, leur recrutement et leur disponibilité ; leur formation continue, est-ce qu’il y a des concessions du gouvernement qui ont pu les résorber au point de remonter subitement la barre ?

Toutefois, coïncidence fortuite peut-être, le relèvement du niveau des élèves constaté par près de 63% de réussite au baccalauréat, session 2023, arrive avec le séjour au Ministère de l’enseignement supérieur, du sieur Tom Erdimi dont l’existence est étroitement liée au baccalauréat tchadien. Un de ses collègues, aujourd’hui à la retraite quelque part disait en son temps, que ce sismologue, président des sessions passées sous Hussein Habré,  est lui-même le séisme du système. La mémorable bourde qui lui est collée à nos jours est celle de l’organisation d’une session du genre en 1987. Après délibération, une centaine de noms a été ajoutée par ses soins, à la liste définitive. Ce qui a provoqué l’ire des membres du jury, particulièrement son vice-président. Heureusement que la largeur de la table où ils sont assis et la promptitude de quelques-uns n’ont pas permis que les bras s’allongent plus. Trois années plus tôt, 1984 avait marqué les esprits avec une drôle de session dont les sujets ont continué à se vendre chez le ouaddaïen du coin, même trois an après. Cette fois-ci, c’était l’œuvre du père Gouara. C’est dire que tout régime qui s’installe au pouvoir fait de l’école tchadienne son faire-valoir et le baccalauréat, le parchemin indispensable pour aider à rattraper le retard pris par une frange de Tchadiens par rapport aux autres.

Les points saillant de la sarabande qui a commencé avec l’ère Déby sont entre autres que, d’abord politiquement et religieusement, à défaut de décréter les candidats, « bacheliers », la pudeur a voulu qu’on les confie aux faiseurs de bacheliers, avec des consignes précises. Dans cette perspective, l’avis du Président de la République impose les critères d’admission. Le seuil de l’admissibilité étant fixé à la moyenne de 07/20 à l’issue des épreuves écrites, il était strictement interdit d’affecter une note en dessous de 14/20 à l’oral. L’occasion faisant le larron, les examinateurs se le sont mis en poche, offrant l’argument aux rénovateurs de supprimer définitivement cette deuxième session, désormais confinée à un écrit dont la nature et les objectifs sont encore à ce jour, mal définis. Depuis lors, l’examen donne lieu à une foire des enchères et ceux qui y travaillent, le font sans conviction. Un piège où ne tombent que les rares compétents qui y participent, d’autant plus que ne sont en difficulté leur honnêteté. Généralement, ils sont sanctionnés comme fauteurs de troubles ou écartés. On se souviendra qu’en 1994, Al Habo a été traité de mécréant par le président du Conseil Supérieur des affaires islamiques. L’objet de leur différend, l’éducation islamique. Une matière qui n’existe pas dans le programme officiel. Il n’a été institué que pour engranger des notes. Cette frasque a-t-elle coûté le poste au titulaire de l’époque qu’on  e saurait le dire avec  exactitude. Il en est de même pour les épreuves de langue d’arabe qui permet de dicter les réponses aux candidats, lorsque, au motif de correctifs à apporter aux sujets, les enseignants livrent les réponses. Ils sont d’autant favorisés par l’ignorance de cette langue par les francophones. 1997, pour récupérer sa dulcinée, Mahamat Ali Moustapha a été sommé d’organiser une deuxième session qui a profité aux autres indigents. Le même a été désigné, dix ans plus tard pour organiser la session du baccalauréat des grèves, en 2007. Avec comme chefs de file Al Faroukh à l’enseignement supérieur et Ahmat Bachir à l’Intérieur, des barèmes de notations ont été élaborés et doivent strictement respectés. C’était que déjà, l’Office national des examens et concours du supérieurs s’est installé et, non averti de la chose, un secrétaire général du ministère de l’éducation  national lui a concédé l’organisation du baccalauréat.  Cependant, ayant constaté l’ampleur de la catastrophe engendrée par ces distorsions, Deby, dans une sortie orageuse a décidé en 2009, que le  parchemin ne s’obtiendrait désormais qu’avec 10/20 de moyenne. En ce moment, Ahmad Taboye au ministère de l’enseignement supérieur entre en négociation pour enfreindre les instructions. Comme quoi, l’habitude du faux instauré a la peau dure.

Il faut, en dehors de ces quelques considérations politiques, tant dans le processus de son organisation que dans la délivrance des diplômes, le bac est entaché de nombreuses irrégularités. Il est réputé être une poche principale de faux et de corruption, comme simple « office du bac », logé dans les locaux du rectorat de l’Université du Tchad. Que n’a-t-on pas intercepté comme faux bacheliers en partance pour les études avant même la session des années en cours !  Structurellement même, cet examen ne relève pas de l’Office national des examens et concours du supérieur (ONECS). Qu’on ne se trompe pas. Cette institution qui n’a plus sa raison d’être avec la création des académies, a plus desservi le baccalauréat qu’il n’a arrangé les choses. Ledit examen est un « baccalauréat de l’enseignement de second degré » et comme tel, il évalue ce cycle d’enseignement.  Diplôme académique, il explicite qu’une académie, circonscription administrative de niveau déconcentré, tient avant tout sa raison d’exister parce qu’elle est commise à l’administration des écoles, collèges et lycées. Ne commettons pas la bêtise comme les enseignants du supérieur qui ne peuvent entendre par « académie », qu’un établissement d’enseignement supérieur. C’est bien dommage !

Dans cet entendement, il est de la responsabilité du recteur d’académie de valider l’examen qui évalue les objectifs du cycle secondaire, les programmes d’enseignement, ses élèves, ses enseignants, interroge les méthodes, l’encadrement et met en exergue également ses capacités et son efficience.   Un travail hautement scientifique que l’Onecs est incapable de mettre en place pour permettre au ministère de l’éducation  nationale et de la promotion civique de faire une lecture critique des sessions et apporter des remédiations. D’ailleurs comment le peut-il, du moment que personne dans les directions n’est spécialisé dans la culture de l’évaluation.

Techniquement et pédagogiquement, il y a beaucoup à dire. C’est souvent sous la bride qu’on soumet les proviseurs à fournir les listes, selon le bon vouloir de l’Onecs, comme s’ils en dépendaient hiérarchiquement. Ce qui est bien curieux, même les directeurs techniques centraux en charge du baccalauréat général ou technique se laissent aller à cette volonté de l’office qui les traite non moins que rien. Un sulfureux code de nationalité, une définition mal appropriée de candidats libres excluant des classes de terminale des élèves qui y sont pourtant permettent d’augmenter les frais d’inscription. Mais le  plus graves sont les outils d’évaluation à administrer qu’il faut concevoir. Lorsque les propositions des chargés de cours sont tronquées et que les inspecteurs de l’enseignement secondaire ne sont pas associés au processus, les cas présents  manquent totalement de technicité. On ne se réveille pas un matin pour composer un sujet qui couvre trente-six semaines d’études.  Les correcteurs désignés sans profils, souvent amis personnels des responsables de l’Onecs qui les imposent aux présidents des centres, sont souvent Incapables d’apprécier une copie et incapables de mettre en place un corrigé digne de cet examen. Quant aux surveillants des salles retenus, c’est une autre paire de manche. Un jury composé de Directeurs techniques centraux des départements ministériels ne peut pas délibérer valablement sur ce qu’ils n’ont jamais enseigné, ignorant tout, des circonstances qui concourent à l’évaluation, sans oublier les centres de corrections et des examens.

Nous nous remémorons de ce témoignage d’un ancien élu, en villégiature à Alger. Parti à la recherche des étudiants Tchadiens, il nous disait que si seulement « le Tchad pouvait organiser des charters, nous verrons bien ce qui va revenir au pays. Ils ne tiennent pas dans les études. »

Par René Merguet

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