« Il faut un changement profond dans notre pays qui puisse permettre de fonder une nation reposant sur le droit », Dixit Yaya Dillo Djerou

Espace Culture : Après les événements du 28 février, causant la mort de plusieurs de vos proches, vous avez pardonné. Pourquoi ce pardon ?

Yaya Dillo : Je voudrais souligner l’importance du pardon, c’est vrai, ce pardon intervient dans un contexte un peu difficile, particulier, puisque, l’auteur principal qui avait mené l’opération du 28 février chez moi est aussi décédé au front et ceci étant donc le pardon permet aux uns et aux autres de poser les jalons de la réconciliation nationale puisque les nations qui ont testé la réconciliation nationale à travers le pardon ont bien réussi. On prend l’exemple du Rwanda, de l’Afrique du Sud qui ont commencé par le pardon et ce qui a permis aux citoyens de ces deux pays de fonder une nation de fraternité. Voilà un peu l’objectif de ce pardon.

EC : vous êtes le candidat choisi par le Front Nouveau pour le Changement pour la présidentielle d’avril 2021, et malheureusement votre candidature n’a pas été validée par la cour suprême. Pensez-vous déposer votre candidature pour les prochaines élections ?

YD : écoutez, mais cette candidature, il faut reconnaitre que l’élection d’avril 2021 est une élection particulière, on ne pouvait même pas lui donner la dénomination d’élection ; je crois c’est une mascarade. Comme vous l’avez constaté, ma candidature était l’une des candidatures conforme à la loi, mais, comme la cour suprême étant une institution au service d’un individu, ils ont, par des arguments fallacieux, totalement archi-faux, rejeté ma candidature, ça, tout le monde le sait ; c’est un rejet politique. Maintenant nous espérons, si la junte pose les jalons d’un dialogue inclusif, donne l’occasion aux Tchadiens de définir les contours réels des futures élections, pour nous, c’est le seul gage qui permettra de créer les conditions propices à la naissance des institutions crédibles qui vont organiser des élections. Pour l’instant il est très tôt d’affirmer quoi que ce soit, mais nous pensons, notre logique, c’est s’inscrire dans cet élan et nous espérons que les Tchadiens pourront se retrouver autour d’une table ronde ou à travers une conférence nationale souveraine et déterminer les contours des futures élections qui sont les seuls gages de la stabilité du pays et permettre à chacun de se présenter. Pas nécessairement moi personnellement. Ça peut être n’importe qui au niveau du FNC. Mais notre objectif, c’est de parvenir à des élections crédibles, libres, qui permettent à chaque citoyen de se porter candidat sans aucune entrave.

EC : aspirez-vous diriger le Tchad un jour ?

YD : oui, c’est l’aspiration de tout politicien, tout chef de parti politique, etc. Et d’ailleurs, pour moi, le pouvoir n’est pas important, c’est pas une ambition absolue. Et le plus important est qu’il y ait un changement profond dans notre pays qui puisse permettre de fonder une nation reposant sur le droit. Je crois que, si l’histoire me rappelle, je ne trouve pas d’inconvénients, mais de toute façon, c’est pas ça l’objectif principal.  L’objectif principal, ce n’est pas de devenir président du Tchad, mais c’est de pousser au maximum pour qu’il y ait un changement réel et démocratique au Tchad.

EC : Pourquoi le FNC n’est pas représenté dans le gouvernement de transition ?

YD : Oui ! D’abord, notre stratégie ne consiste pas à cautionner la junte à travers notre participation au gouvernement ou à n’importe quelle instance mise en place par la junte. Pour nous, pas question de faire partie d’une instance qui n’est pas légale, du point de vue du droit, mais nous pensons que dans l’avenir, si jamais les Tchadiens se retrouvent à travers un dialogue inclusif, posent les conditions d’une transition réelle, en ce moment le FNC est prêt à y participer. Mais pour l’instant, pour ne pas donner le quitus, pour ne pas donner une certaine légitimité à la junte, nous avons préféré nous écarter de toute possibilité d’embarquer dans n’importe quel organe de la junte.

EC : votre mot de fin

YD : je voudrais d’abord remercier très sincèrement tous les Tchadiens qui nous ont apporté leurs soutiens multiformes et spontanés lors de l’événement du 28 février et tout au long de la suite de notre action contre la dictature et c’est l’occasion pour moi de les remercier très sincèrement pour cette fraternité, pour ce soutien patriotique et en même temps, je leur demande d’être vigilants puisque l’avenir du Tchad est presque incertain, étant donné que nous ne savons pas jusque là, quelles sont les motivations réelles de la junte. Nous ne savons pas est-ce que ces gens là sont prêts à remettre le pouvoir aux civils, nous ne savons pas si ces gens là sont prêts à conduire une transition apaisée et inclusive, nous ne savons pas si ces gens là sont prêts à organiser un dialogue inclusif, nous disons inclusif, pourquoi, parce que nous ne voulons pas avoir un Tchad qui exclut une partie des Tchadiens, et ceci compromettra plus tard l’avenir démocratique du pays nous pensons que les Tchadiens doivent rester vigilants face à toute potentielle dérive de la junte et au moment opportun nous allons prendre notre responsabilité pour nous dresser contre toute forme de dérive. Et j’invite mes chers compatriotes d’être vigilants par rapport à cela.        

Propos recueillis par Allafi AN

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