Négro, nègre, nigga: as-t-on le droit d’utiliser ces mots?

Déjà, est-ce que vous pensez vraiment qu’on peut interdire un mot ? Et surtout, est-ce que c’est le mot, le vrai problème ? – Bah, ça dépend… Déjà, il faut préciser qu’au départ, on a le mot “Noir” qui, dans l’Antiquité et au Moyen Âge, désigne ceux qui ont la couleur de peau noire. – Mais… Le “N-word”, il vient d’où alors ?

Mais… c’est ce qu’il est en train de t’expliquer, en fait… Aux XVIIe et XVIIIe siècles, pour des raisons purement mercantiles, la traite négrière va faire basculer le mot “Noir” vers le mot “nègre”, qui lui-même tire ses racines du portugais ou de l’espagnol “negro”. C’est ce que nous expliquent le professeur Cheikh Thiam et l’écrivain Gauz : Cela devient un concept racialisant. Une partie de la population est appelée “nègre”. Tout un discours, des pratiques inventées, des constructions sociales qui déshumanisent une partie de la population mondiale à partir de ce mot-là : “nègre”. Pour pouvoir justifier cette violence-là à un autre être humain, d’arracher des gens à leurs terres, de les mettre par fonds de cales et les déporter, ils avaient besoin d’estimer que les Noirs, “les négros”, étaient des sous-hommes pour pouvoir justement les exploiter comme des animaux.

Dès le début du XIXe siècle, le mot “nègre” est donc déjà méprisant, insultant. – Vous voyez ? C’est pour ça que je vous dis que c’est un mot qui comporte un passé douloureux. Notre passé. Et parce qu’il contient des siècles d’histoire, de mépris, d’insultes, de violences… Tant qu’il sera prononcé par une personne qui n’est pas noire, il sortira toujours mal de leur bouche. Toujours. En 1941, le poète américain Langston Hughes dira même : À ce sujet, Cheikh Thiam pose justement une question : – Ce mot qui a été créé ou inventé au XVIIIe siècle par un sujet blanc et qui déshumanisait l’autre et en déshumanisant l’autre, humanisait le Blanc, devrait-il être utilisé aujourd’hui par celui-là qui est toujours blanc ? Ah non ! Absolument pas ! Ah, je dis non.

Tout comme Johanna, l’écrivain et journaliste américain Ta-Nehisi Coates pense que le mot “nègre” ou “nigger” n’appartient pas à tout le monde. Mais s’il n’appartient pas à tout le monde, pourquoi est-ce qu’il est si présent dans la culture populaire ? Enfin… Moi, j’écoute beaucoup de rap… Le morceau de Kanye West et Jay-Z… avec leur fameux… – “Niggas In Paris” ? – Voilà ! Mais y’a pas que les rappeurs américains ! Y’a les rappeurs français qui l’utilisent dans leurs textes et dans leur public, y’a pas que des Noir·e·s… – Exactement… D’où l’autre point de vue des personnes comme Éric Essono Tsimi, qui est enseignant dans l’État de l’Ohio [États-Unis]. J’ai l’impression que le rap en tant que tel est une sorte de république.

C’est un mouvement qui est aussi une philosophie qui se permet de repenser le monde à sa façon. On conçoit qu’il y a beaucoup de choses qui, dans nos cultures, sont considérées taboues, qui ailleurs, dans l’espace du rap, dans l’espace des banlieues, dans les “sous-cultures” comme nous les appelons, sont érigées en modèles. Mais ce mot-là, il est très présent dans le cinéma aussi. Regarde, le réalisateur blanc Quentin Tarantino, dans “Jackie Brown” par exemple, il l’a utilisé dans une trentaine de ses dialogues. Et d’ailleurs, c’est ce qui avait énervé Spike Lee, qui est réalisateur noir, qui lui avait reproché de l’utiliser beaucoup trop de fois dans ses films. Ah oui… C’est délicat. Je dirais plutôt : c’est au cas par cas. Prenons donc un autre cas…

Disons qu’il y ait plusieurs Noir·e·s qui discutent entre eux. Est-ce qu’ils et elles ont le droit d’utiliser ce mot tant qu’ils restent entre eux ? – C’est exactement l’une des questions que j’ai posée à Cheikh Thiam et voici ce qu’il en pense : Personnellement, je préfère d’autres mots comme “frère”… Il y a des mots beaucoup plus positifs qu’on pourrait utiliser. Je comprends, par contre, ceux qui, dans la tradition de la négritude, veulent toujours utiliser ce mot que je ne trouve pas très beau d’ailleurs… Négritude ?! Oui, Tanguy. Négritude. En fait, selon l’historien Gérard Noiriel, “soit on supprime le mot parce qu’il est insultant, soit, on le revendique.” Et d’ailleurs, au XXe siècle, des intellectuel·le·s africain·e·s et caribéen·ne·s ont eux choisi la deuxième option : le revendiquer. Léopold Sédar Senghor, Aimé Césaire, Léon-Gontran Damas mais aussi des femmes que l’on cite très rarement, comme les sœurs Nardal ou encore Suzanne Césaire, qui vont prendre le mot “nègre” et vont le redéfinir et vont en faire un courant littéraire et politique.

Ces nègres-là décidèrent alors de prendre ce mot qui leur avait été jeté sur la figure, qui les définissait comme des “sous-hommes” et de l’ennoblir, d’une certaine façon. Mais cet “ennoblissement” ne fait pas l’unanimité puisque de nombreux Afro-descendant·e·s ne se reconnaissent pas là-dedans. C’est le cas de Gauz : Cette manière que les gens ont eue de dédramatiser pour moi le mot “négro” est une manière hypocrite parce qu’ils élevaient ce mot au racisme même qui l’avait inventé. Et qui continue d’ailleurs. Attendez… Je suis complètement perdu. C’est-à-dire que si le mot dérange, ce n’est pas tant le mot en lui-même mais ce à quoi il renvoie dans la vie quotidienne. Le vrai problème, ce sont les inégalités sociales encore très présentes dans nos sociétés auxquelles il renvoie. Le monde est toujours un monde qui est fondé sur les questions raciales et sur les concepts raciaux.

Même si nous savons que la race est une invention, même si surtout en France, on refuse toujours l’importance et la centralité de la question de la race dans la façon dont nous vivons, dans la façon dont nous pensons le monde et dans la façon dont nous l’organisons. Voilà le vrai débat. Celui de 400 ans d’idéologie qui sont encore fortement ancrés dans la tête des gens. Quand je suis à Paris, je n’ai pas de problème, de complexe d’infériorité… Mon problème, c’est qu’en tant que négro, à condition égale, on va filer un appart à un Blanc plutôt qu’à moi, au nom de la couleur de ma peau. Et tant que la situation sera comme ça, les mots “nègre” et “négresse” dans la bouche d’une personne non-Noire seront toujours perçus comme un rabaissement. Mais ce mot-là, il a énormément évolué. Aujourd’hui, il est quand même moins lourd de sens, il est quand même mieux prononçable.

Mais quels que soient ses dérivés, ils n’atténuent pas le mot [“nègre”]. Ils le disent sans le dire. Sortons de l’hypocrisie des mots, utilisons-les pour ce qu’ils sont. Si je veux évoquer l’esclavage, je dis “négro”, “nègre”, “traite négrière”, si je veux tancer un pote ou me moquer de lui, je dis “négro”, aussi. Mais le contexte donne l’idée… Mais il y aura toujours des gens que ça heurtera, que ça choquera. – Mais dans ce cas-là, bannissons les mots qu’il y a dans les expressions du style… “nègre littéraire”… – Voilà, qu’on a remplacé par “prête-plume”. Mais est-ce qu’on peut vraiment interdire un mot ? Et pas n’importe lequel… Ce mot-là, il porte quand même tout un pan de notre histoire. Pour Cheikh Thiam, on ne peut pas bannir un mot. Par contre, on peut bannir les effets de certains mots… Ce qu’il faut bannir, c’est la haine, ce qu’il faut bannir, c’est ce qui mène à la déshumanisation de l’autre.

Voilà ce qu’il faudrait bannir et pas des mots en tant que tels. Mais attention au sens de ce qui est dit et parfois, à la personne qui le dit. Moi, quand je dis “négro”, on voit bien toute l’histoire que je veux faire apparaître, ou pas d’ailleurs. Mais quand les racistes comme Jean-Marie Le Pen dit “négro”, on voit qu’il ramène à cette idée de domination. Et pour Éric Tsimi, si on doit l’interdire, alors il faut l’interdire pour tout le monde et pas qu’en littérature. Et vous, qu’en pensez-vous ? Non mais franchement Johanna, t’abuses ! TCHIIIIP ! Carrément ! Tu l’as tchipé là ?! Vous vous demandez c’est quoi “tchiper” et pourquoi Johanna l’a fait ? Pour en savoir plus, cliquez là ! Et vous pouvez également vous abonner à notre chaine Aj+ français ! dpriority7

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