Comment le titre « Jerusalema » est devenu un tube mondial ?

Le single « Jerusalema », mis en ligne par les artistes sud-africains Master KG et Nomcebo Zikode en octobre 2019, est devenu un véritable hit planétaire, en moins d’un an. Sur les réseaux sociaux, la chanson a fait danser des millions d’internautes qui se sont appropriés sa chorégraphie, grâce à un challenge auquel se sont prêtés des célébrités, des médecins et même des religieux.

Qu’y a-t-il de si spécial dans « Jerusalema » ? Comment cette création a-t-elle pu partir du label Open Mic Productions en Afrique du Sud, pour atteindre les 4 coins du globe dans un contexte de crise sanitaire ?

Music in Africa vous livre ici, une analyse de ce modèle de succès africain, qui devrait inspirer davantage les artistes du continent.

 Master KG et Nomcebo Zikode.

146 millions de vues (à la rédaction de cet article), c’est le chiffre hallucinant qu’affiche le compteur de la plateforme américaine YouTube sous « Jerusalema », alors que l’audience du single ne cesse de croître. En France, le morceau a même été certifié disque d’or par le Syndicat national de l’édition phonographique (SNEP), pour avoir franchi la barre des 100 000 ventes/streams.

Derrière ce succès retentissant, il y a la griffe de Kgaogelo Moagi aka Master KG, un chanteur et producteur sud-africain de musique électronique, qui s’était révélé au public africain avec son opus Skeleton move, qui lui a valu une nomination pour le prix AFRIMMA du meilleur artiste d’électro en 2018. Faiseur de tendance, il est considéré comme le pionnier d’un style de danse baptisé Balobedu, qui est inspiré des traditions de son pays.

Mais la plus belle histoire derrière « Jerusalema », c’est celle de Nomcebo Zikode, une chanteuse gospel sud-africaine, qui a été sollicitée par Master KG pour la réalisation du single. Alors qu’elle traversait une période de doute, la musicienne a écrit une prière pour implorer le pardon et la protection de Dieu, qu’elle a posé sur le beat spirituel de « Jerusalema », avec sa voix singulière et chaleureuse.

Le message du duo est allé au-delà des frontières de la nation arc-en-ciel, pour atteindre des sommets que ni Master KG, ni Nomcebo n’espéraient.

Figurez-vous que « Jerusalema » a été apprécié et partagé sur les réseaux sociaux, par des célébrités comme Janet Jackson ou encore Cristiano Ronaldo.

Un refrain simple et hypnotique

La prière de Nomcebo Zikode a été courte, mais si l’on se fie à l’accueil très favorable du public, le ciel semble l’avoir écoutée. Les latinistes ne disent-ils pas que la voix du peuple est la voix de Dieu (vox populi, vox Dei) ?

Les 8 phrases chantées en ritournelle sur « Jerusalema » ont accroché plusieurs milliers de personnes autour du globe. Quelques uns ont même enregistré des covers, dans lesquels ils reprennent allégrement les paroles zoulou de l’oeuvre : « Jerusalema ikhaya lami ngilondoloze uhambe nami » (Jérusalem, ma maison, sauve-moi, ne me laisse pas ici) – Jérusalem, nom de la capitale israélienne, symbolise ici l’humanité et 3 les trois grandes religions monothéistes.

Il faudrait retenir du travail d’écriture de Nomcebo, qu’une création musicale n’a pas nécessairement besoin de reposer sur un texte kilométrique pour séduire.

Parfois, 8 petites phrases agencées avec pertinence suffisent pour saisir l’auditeur. Le célèbre peintre français aux origines russes, Wladimir Wolf Gozin, ne disait-il pas que « la simplicité est le manteau de la perfection » ?

Une musique entraînante et recherchée

La proposition musicale de Master KG est autant dépouillée que le texte de sa convive, mais elle est tout de même recherchée…

En effet, de joyeuses exclamations zoulou sont dissimulées sous la mélodie électro/dance, pour offrir une expérience musicale unique au public, dans la gamme de Do dièse que le compositeur et théoricien français de la musique Jean-Philippe Rameau (1683 – 1764), considérait comme la tonalité de la reconnaissance.

Cette belle touche de Master KG confère toute son authenticité à l’œuvre, qui a séduit la méga-star nigériane Burna Boy, qui acceptera d’ailleurs d’enregistrer un remix du morceau.

Le remix avec Burna Boy, un featuring payant

Les collaborations représentent indéniablement une chance pour les artistes aujourd’hui, d’aller à la conquête d’un nouveau marché et d’élargir un peu plus leur audience ; Master KG et Nomcebo l’ont bien compris.

En juin 2019, pour booster leur création et renforcer sa visibilité, ils ont décidé d’enregistrer un remix avec un autre artiste du continent : Burna Boy ! Inutile de vous présenter le chanteur nigerian d’afro-fusion…

Nominé aux Grammy Awards 2019 aux côtés de la diva béninoise Angélique Kidjo, titulaire de plusieurs récompenses musicales de prestige et auteur de nombreux singles à succès, Burna Boy est une des références africaines et même mondiales, en ce qui concerne les musiques urbaines.

En s’associant à lui, les auteurs de « Jerusalema » ont notamment réussi une incursion sur la scène ouest-africaine, notamment sur des marchés comme  ceux nigérian et ghanéen, qui font sans conteste partie des plus denses et des plus rentables du continent en ce moment.

Le dance challenge

Dire que les arts sont connexes, c’est comme révéler un secret de polichinelle ; et parmi les formes d’expression artistique que l’on rattache le plus souvent  à la musique, il y a la danse…

« Jerusalema » a inspiré un groupe d’artistes angolais baptisé Fenomenos do Semba, qui ont créé une chorégraphie pour le morceau, qu’ils ont filmée et publiée au cours du mois de février. La vidéo deviendra très vite devenue virale sur la grande toile.

Leur mouvement d’ensemble, simple à l’image de la chanson, a été reproduit, souvent avec une touche de créativité, par plusieurs milliers de personnes dans le cadre d’un challenge en ligne.

Ce défi auquel se sont prêtés de nombreux internautes, a été porté par le hastag #jerusalema, regardé par près de 300 millions d’utilisateurs de Tik Tok. C’est d’ailleurs sur cette plateforme lancée par l’entreprise chinoise ByteDance, que le morceau de Master KG et Nomcebo Zikode aura bénéficié d’une plus forte exposition.

Ceci devrait donner des idées aux artistes africains qui cherchent des espaces pour écouler leurs contenus.

Les réseaux sociaux, nouveaux terrain de jeu

Alors que la crise sanitaire mondiale du coronavirus a entraîné des restrictions de voyages dans la plupart des pays du monde, il était impossible pour Mister KG et Nomcebo Zikode cette année, de promouvoir « Jerusalema » avec des concerts live à l’international.

Mais est-il encore nécessaire de se déplacer pour vendre sa musique ? Internet offre une pluralité d’options aux artistes désormais. Streaming audio et vidéo, stream live, challenges sur les médias sociaux, il est important pour les créateurs africains de connaître ces mécanismes, qui pourraient représenter de vrais tremplins pour leurs arts.

La pénétration d’Internet sur le continent africain va crescendo ces dernières années (435 millions utilisateurs recensés en 2019). Il est grand temps pour les artistes du continent de prendre conscience de ces données et de les intégrer dans leurs stratégies commerciales.

Mais prudence ! Internet est un espace assez spécial et comme tous les marchés, il a son comportement, ses codes et ses lois. Pour s’y aventurer et y connaître le succès, il serait plus malin de s’inspirer d’un modèle comme « Jerusalema »…

SOURCE (MUSIC IN AFRICA)

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